ESTOC
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cuneus veritatis
samedi, 20 novembre 2010
L’affront au Saint-Père
La photo dit tout. La vidéo le raconte encore mieux. On peut la voir sur le blog de Christophe Saint-Placide, et lire dans Daoudal Hebdo un récit exact, exactement commenté, de la manière dont communie la reine d’Espagne.
On voit d’emblée l’anomalie de la reine cassée en deux. Elle est en effet sur l’estrade dressée pour le couple royal, avec deux prie-Dieu. Mais elle y est debout.
Elle s’est faufilée entre les deux prie-Dieu pour imposer au Pape une communion debout et dans la main. Mais en raison de l’estrade, il se trouve que la position normale de ses mains les situait à la hauteur du visage du Saint-Père qui, lui, n’est pas sur l’estrade. C’est pourquoi la reine a dû se courber dans une profonde inclination monastique qui finit par équivaloir en somme à un agenouillement.
Sur la vidéo, on voit aussi le roi d’Espagne, raide et triste comme un employé des pompes funèbres, accompagnant et surveillant sa femme ; il ne communie pas ni ne s’incline. Il pense sans doute, selon l’« esprit du concile », que l’Etat étant désormais incompétent en matière religieuse, un chef d’Etat catholique doit afficher une neutralité maçonniquement laïque. Il est même allé, en signant la loi espagnole pour l’avortement, jusqu’à se porter publiquement candidat à l’excommunication.
J’ai regardé plusieurs fois la vidéo pour scruter l’allure et le visage de Benoît XVI s’approchant des deux prie-Dieu préparés : on ignorait donc que le roi n’essayerait pas de communier, et que la reine resterait debout, la main tendue. Ou alors il y aurait eu à l’intérieur du personnel ecclésiastique quelque complicité dans le guet-apens ? Je n’aperçois chez le Saint-Père aucune surprise ni même une demi-seconde d’hésitation, il donne la communion dans la main de la reine cassée en deux puis il trébuche légèrement en s’en allant.
La reine d’Espagne ne passait pas pour une militante gesticulatrice du genre de « ni putes ni soumises », on ne lui connaissait pas un goût pour les manifestations publiques provocatrices. On peut donc supposer qu’elle y a été obligée par le roi venu la contrôler de près ; on peut supposer aussi que le Saint-Père a eu pitié d’elle et n’a pas voulu, dans la triste situation où elle se trouve, la priver de la communion…
En tout cas l’hypothèse la plus vraisemblable est que l’affront au Saint-Père n’a pas été imaginé par cette Sophie qui a eu la destinée tragique de venir de sa Grèce natale pour épouser le successeur que s’était choisi le général Franco.
Le futur roi d’Espagne, pour être admis à la succession, avait en effet juré fidélité aux principes de la révolution nationale et chrétienne que Franco dirigeait avec une profonde sagesse politique. Et ce roi d’Espagne a renié sa parole, il a violé son serment, il s’est politiquement conduit comme un franc-maçon, il l’est peut-être devenu, il a plongé l’Espagne dans une apostasie officielle, dans une anarchie morale et peut-être bientôt dans une tourmente révolutionnaire dont Franco (légitimé par Pie XI) l’avait sauvée. C’est un sort terrible d’être l’épouse d’une sorte de Louis-Philippe en pire. Fidélité, grandeur et servitude du sacrement du mariage.
Il est dans la vocation du Saint-Père d’être, aussi, le Père humilié. A l’image de Jésus. C’est le moment (c’est toujours le moment) de relire Le Père humilié, l’une des plus belles œuvres de Claudel. Fidélité, grandeur et servitude de la papauté.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7225 de Présent, du Samedi 20 novembre 2010